Consultation

XIX, folios:33 34
Guérin, Antoine, juge royal
M. de Gordes
Lettre non liée
03/10/1572
Grenoble
Romans

Transcription

Les mots surlignés font l'objet d'une note

1

Monseigneur, par les dernieres lettres qu’il vous a

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pleu m’escrire, j’ay cogneu que quelques-ungs envieulx

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ou poussés d’aultre maulvaise volonté vous ont faict

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quelque rapport de moy duquel vous avés heu grand

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mescontemment pour certains poinctz contenuz en

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vosdites lettres sur lesquelz, pour esclarcir vostre

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seigneurie comme me mandés de faire, il vous

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plaira entendre en ce que concerne le premier, contenant

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l’authorité qu’on veult dire que je me suys attribuée

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d’eslargir quelques prisonniers de ceulx de la pretendue

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religion sans l’advis et commun accord des consulz et

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conseil de notre ville, je vous puis asseurer que

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d’iceulx je n’en ay eslargy ny faict eslargir ung

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seul, ne l’ayant voulu entreprendre sans vostre

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licence et commandemen ; ce que au contraire ont

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faict ceulx qui m’accusent, lesquelz de leur authorité

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sans m’en communiquer aulcune chose après le

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massacre de quelques ungs advenu aux prisons,

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ainsi qu’avés esté adverty cy-devant, ont faict

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eslargir tous les aultres prisonniers en nombre de

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dix huict ou vingt, encores qu’il y en eust d’aussi

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seditieux que ceulx que l’on avoyt faict mourir et

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que par votre commandement, je les eusse faict emprisonner,

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ce que, sauf la correction de votre seigneurie, ne

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debvoyt estre faict sans mon sceu comme magistrat.

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[v°] Mais j’apperçoy journellement que despuis que les armes

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sont entre les mains du peuple, la justice est de

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bien peu respectée, tellement que tous les conseilz et

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deliberations de notre ville se font aujourd’huy sans

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m’appeller ny communiquer aulcune chose, d’aultant que

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je ne treuve bonnes plusieurs insolences et aultres

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actes qui se commettent journellement, comme vostre

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seigneurie sera ung jour plus au long advertye.

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Quant à l’aultre poinct de votre lettre concernant le

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relaxement de Guillaume Brunat qui avoyt assalhy

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à plain jour le cappitaine Chastellard ayant

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icelluy Brunat, pour raison de ce, demeuré trois moys

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prisonnier et luy ayant formé son procès, le procureur

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du roy et celluy dudit sieur Chastellard l’ayant

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veu et par les causes qui resultoyent d’icelluy, ont

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consenty audit relaxement, de sorte que je n’ay peu

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de moingtz, attendu ledit consentement, que de l’eslargir

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moyenant caution, et à la charge de se representer, luy

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ayant baillé sa maison pour prison ; mesmes qu’il

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n’estoyt emprisonné pour aultre faict, neantmoingtz

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pour satisfaire à voz commandementz je ne lairray

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de le faire representer en l’estat, et au premier jour, je

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porteray son proces à Grenoble à messieurs les gentz du roy,

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pour en après le faire vuyder diffinitivement. Pour le

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regard du troisiesme poinct de ce que l’on vous avoyt

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faict entendre que de ma permission ceulx de la pretendue

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[34] religion emprisonnez avoyent des armes dans les prisons,

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je vous prieray, Monseigneur, croyre que je seroys bien

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marry d’avoyr permys telle chose, laquelle aussi s’est

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trouvée faulce par la visitation que feust faicte des

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prisons par le sieur de Veaulne et les quatre cappitaines

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lesquels ne treuvarent dans lesdites prisons que les armes

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du geolyer. Mais le bruyt de ladite calumpnie

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a procedé de ce que, sentant la deliberation du massacre

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qui despuis a esté faict ausdites prisons, et pour

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obvier à icelluy, attendant voz commandementz, j’avoys

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deffendu audit geollier de ne laisser entrer

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aulcunes gentz la nuict dans lesdites prisons,

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ce que ayant voulu faire quelques-ungs par force

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certains jours auparadvant ledit massacre,

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ledit geollier et aultres prisonniers pour debte

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les empescharent, tellement que ledit geollier fust

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fort blessé. De la vint que, estantz marrys qu’ilz

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n’estoient peu entrer celle nuyct ausdites prisons,

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ilz firent courir le bruyt que les prisonniers estoient

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pourveuz d’armes, qu’est la cause, Monseigneur,

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que je vous supplie n’adjouxter foy à telles impostures,

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et vous asseurer que je ne vous escris chose qui ne

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soyt veritable et de laquelle vous n’ayés, et de toutes

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mes actions, bon tesmoignage par monsieur le consellier

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Velheu, monsieur de Brye et aultres seigneurs qui

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sont en ceste ville, que me gardera vous en faire

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[v°] plus longue lettre, priant le Createur,

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Monseigneur, vous conserver en tres bonne santé, longue

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et heureuse vye. De Romans ce IIIe octobre 1572.

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Votre très humble et hobeissant serviteur.

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A Guerin

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Messieurs voz enfantz passarent

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mercredy premier de ce moys par

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ceste ville tous en bonne santé.

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