Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monseigneur, par les dernieres lettres qu’il vous a
2pleu m’escrire, j’ay cogneu que quelques-ungs envieulx
3ou poussés d’aultre maulvaise volonté vous ont faict
4quelque rapport de moy duquel vous avés heu grand
5mescontemment pour certains poinctz contenuz en
6vosdites lettres sur lesquelz, pour esclarcir vostre
7seigneurie comme me mandés de faire, il vous
8plaira entendre en ce que concerne le premier, contenant
9l’authorité qu’on veult dire que je me suys attribuée
10d’eslargir quelques prisonniers de ceulx de la pretendue
11religion sans l’advis et commun accord des consulz et
12conseil de notre ville, je vous puis asseurer que
13d’iceulx je n’en ay eslargy ny faict eslargir ung
14seul, ne l’ayant voulu entreprendre sans vostre
15licence et commandemen ; ce que au contraire ont
16faict ceulx qui m’accusent, lesquelz de leur authorité
17sans m’en communiquer aulcune chose après le
18massacre de quelques ungs advenu aux prisons,
19ainsi qu’avés esté adverty cy-devant, ont faict
20eslargir tous les aultres prisonniers en nombre de
21dix huict ou vingt, encores qu’il y en eust d’aussi
22seditieux que ceulx que l’on avoyt faict mourir et
23que par votre commandement, je les eusse faict emprisonner,
24ce que, sauf la correction de votre seigneurie, ne
25debvoyt estre faict sans mon sceu comme magistrat.
26[v°] Mais j’apperçoy journellement que despuis que les armes
27sont entre les mains du peuple, la justice est de
28bien peu respectée, tellement que tous les conseilz et
29deliberations de notre ville se font aujourd’huy sans
30m’appeller ny communiquer aulcune chose, d’aultant que
31je ne treuve bonnes plusieurs insolences et aultres
32actes qui se commettent journellement, comme vostre
33seigneurie sera ung jour plus au long advertye.
34Quant à l’aultre poinct de votre lettre concernant le
35relaxement de Guillaume Brunat qui avoyt assalhy
36à plain jour le cappitaine Chastellard ayant
37icelluy Brunat, pour raison de ce, demeuré trois moys
38prisonnier et luy ayant formé son procès, le procureur
39du roy et celluy dudit sieur Chastellard l’ayant
40veu et par les causes qui resultoyent d’icelluy, ont
41consenty audit relaxement, de sorte que je n’ay peu
42de moingtz, attendu ledit consentement, que de l’eslargir
43moyenant caution, et à la charge de se representer, luy
44ayant baillé sa maison pour prison ; mesmes qu’il
45n’estoyt emprisonné pour aultre faict, neantmoingtz
46pour satisfaire à voz commandementz je ne lairray
47de le faire representer en l’estat, et au premier jour, je
48porteray son proces à Grenoble à messieurs les gentz du roy,
49pour en après le faire vuyder diffinitivement. Pour le
50regard du troisiesme poinct de ce que l’on vous avoyt
51faict entendre que de ma permission ceulx de la pretendue
52[34] religion emprisonnez avoyent des armes dans les prisons,
53je vous prieray, Monseigneur, croyre que je seroys bien
54marry d’avoyr permys telle chose, laquelle aussi s’est
55trouvée faulce par la visitation que feust faicte des
56prisons par le sieur de Veaulne et les quatre cappitaines
57lesquels ne treuvarent dans lesdites prisons que les armes
58du geolyer. Mais le bruyt de ladite calumpnie
59a procedé de ce que, sentant la deliberation du massacre
60qui despuis a esté faict ausdites prisons, et pour
61obvier à icelluy, attendant voz commandementz, j’avoys
62deffendu audit geollier de ne laisser entrer
63aulcunes gentz la nuict dans lesdites prisons,
64ce que ayant voulu faire quelques-ungs par force
65certains jours auparadvant ledit massacre,
66ledit geollier et aultres prisonniers pour debte
67les empescharent, tellement que ledit geollier fust
68fort blessé. De la vint que, estantz marrys qu’ilz
69n’estoient peu entrer celle nuyct ausdites prisons,
70ilz firent courir le bruyt que les prisonniers estoient
71pourveuz d’armes, qu’est la cause, Monseigneur,
72que je vous supplie n’adjouxter foy à telles impostures,
73et vous asseurer que je ne vous escris chose qui ne
74soyt veritable et de laquelle vous n’ayés, et de toutes
75mes actions, bon tesmoignage par monsieur le consellier
76Velheu, monsieur de Brye et aultres seigneurs qui
77sont en ceste ville, que me gardera vous en faire
78[v°] plus longue lettre, priant le Createur,
79Monseigneur, vous conserver en tres bonne santé, longue
80et heureuse vye. De Romans ce IIIe octobre 1572.
81Votre très humble et hobeissant serviteur.
82A Guerin
83Messieurs voz enfantz passarent
84mercredy premier de ce moys par
85ceste ville tous en bonne santé.